En réaction à la lecture d’un article très partiel (disponible en totalité avec abonnement) de la revue « Valeurs Actuelles » : « la laïcité nous sauvera-t-elle de l’islamisme ? », l’Ufal – Toulon ne peut rester sans réponse. La première phrase donne le ton, « la France est sans doute l’un des pays au monde qui a poussé la laïcité à son expression la plus rigoriste ». Employer le terme rigoriste lorsque l’on aborde le sujet de l’islamisme n’est pas dénué d’une connotation particulièrement négative voire agressive et encore une fois, affubler la laïcité d’un adjectif, c’est vouloir tuer le principe de notre République. Évoquer la guerre de civilisation, avec pour arme « la laïcité et la morale de la République » face au « déni de la crise profonde de notre société multiculturelle », est un aveu de non-compréhension de la laïcité. La République ne reconnait que le citoyen. Sans nier notre passé chrétien, il ne faut pas non plus nier notre passé révolutionnaire et l’esprit des Lumières. Cette même révolution qui mit à distance certaines règles régentant la vie collective sous une monarchie moribonde.
Donc l’histoire de France a donné naissance à la laïcité, issue d’un long parcours afin de faire société, avec, puis sans vérité révélée. Ferdinand BUISSON écrivait au sujet de l’école et de la laïcité ce qui peut être considéré comme un résumé de l’émergence de la laïcité « les pouvoirs de la nation finissent où commencent ceux de la conscience » et pour les religions, il est inacceptable de perdre le pouvoir sur les consciences.
Cet article reproche au Président Macron ses propos : – « la laïcité ne tue pas » et ce même article enchaîne en entretenant une vieille confusion des opposants à la laïcité. La laïcité n’est pas anti-religieuse, elle est a-religieuse. Elle met à distance toutes religions de l’organisation et de la gestion de la sphère publique. La comparaison qui suit avec les régimes de l’URSS ou du nazisme ou encore du maoïsme est fausse. Cette approche, pas même réductrice parce que totalement inexacte ne peut que souligner la volonté sous-jacente d’entretenir la confusion entre l’athéisme et la laïcité. Et si la laïcité n’est pas l’athéisme, elle n’est pas non plus l’œcuménisme, telle qu’elle fut présentée et entretenue encore maintenant par l’observatoire de la Laïcité ; même le Figaro souligne cette posture dans un article d’Alexis Feertchak le 26 octobre, rappelant les alertes répétées de Charles Arambourou sur des associations comme co-exister. Cette confusion entretenue est renforcée dans un monde globalisé, mondialisé où le référentiel est le marché. Mais la laïcité n’est pas une marchandise, elle n’est ni à vendre, ni à acheter, elle ne dépend d’aucune option spirituelle ou philosophique, d’aucune religion, en réponse à la phrase : – « les chrétiens n’ont pas à recevoir de leçons de laïcité, ils l’ont inventée ». Vouloir s’approprier la laïcité, c’est vouloir transformer un principe de gouvernance en valeur. Or, une valeur se discute. Ce marchandage est une dévalorisation du principe républicain, qui ne rentre dans aucune case de cet ordre marchand planétaire où le sabir est sa seule expression. Ces relations mondiales deviennent le cadre où le sécularisme domine et où la laïcité ne peut pas être reconnue puisqu’elle est inconnue.
Ainsi, en France depuis plus d’un quart de siècle, les religieux de tout poil, revendiquent ses accommodements favorisant le communautarisme, se réclamant d’une « laïcité » taillée à leur main. Les islamistes politiques eux aussi se sont engouffrés dans la brèche du retour au religieux dans la sphère publique. C’est ce tropisme qui pousse à l’anéantissement de l’universalisme, fondement de notre République.
Dans son article, M. Jean Marc Albert (consultable sans abonnement), écrit : – « la laïcité contemporaine ne cherche pas la neutralité mais se fait prosélyte pour transmettre une morale de substitution ». Cette phrase résume son approche de la laïcité, sa conception du monde et de la société qui ne sont concevables qu’à partir d’une croyance ; le vivre ensemble sans croyance est pour lui une morale de substitution. Donc pour lui, en 2020 seul le croyant est moral !
Sa conception de la société suit le sillage du sécularisme anglo-saxon. La filiation du croyant est plus forte que le schisme catholique/protestant. Mais l’esprit de la laïcité va plus loin que la séparation du pouvoir religieux avec les instances administratives. Ainsi, l’Etat civil reprend l’héritage biblique, l’héritage chrétien, si souvent cités prônant la domination masculine dans la famille et dans la cité. Cette notion du chef de famille est devenue juridique dans notre société, alors que se développent des familles monoparentales où les mères exercent seules l’autorité. Cette progression de la famille monoparentale est un constat, une réalité. D’autres expressions familiales existent… Ne pas vouloir les voir revient à ne pas les nommer, et c’est ajouter du malheur au monde pour paraphraser Albert Camus. C’est ce progressisme que l’esprit apodictique de la laïcité permet et non le conservatisme comme valeur éternelle.
Enfin pour répondre à la question de l’article « La laïcité nous sauvera-t-elle de l’islamisme ? », je réponds oui, à la condition unique que le combat laïque soit associé au combat social et je citerai l’appel « Lier le combat laïque au combat social, fédérer le peuple » : « La laïcité est notre outil pour fédérer les luttes sociales et lutter pour la justice sociale, la citoyenneté et la véritable égalité qui caractérisent la République sociale. Car les communautarismes se servent de l’appauvrissement des quartiers populaires et des discriminations qui y sont subies pour alimenter le fait politico-religieux, notamment islamiste, et détourner les citoyens du combat social, laïque et donc citoyen. »
Le bureau de l’Ufal-Toulon