Extrait :
Pour comprendre la place centrale de la bataille de la cotisation sociale au coeur du projet socialiste de sécurité sociale de 1945 et déjouer les idées reçues et les fausses évidences pour réhabiliter la cotisation sociale.
Contrairement à l’image d’Épinal d’une France réunie grâce à la résistance à l’occupant nazi et gagnée par un esprit de concorde nationale, la France du lendemain de la guerre fut le théâtre d’une bataille politique, idéologique et sociale d’une rare violence. En particulier, la mise en œuvre du programme national de la résistance fut marquée par une grande conflictualité politique entre gaullistes et communistes, mais également syndicale entre la CFTC et la CGT, sans oublier l’hostilité que nourrissaient de nombreux hauts fonctionnaires face au projet de Régime général de Sécurité sociale que portaient le PCF et la CGT au lendemain de la guerre.
En réalité, ce que promulguent les ordonnances dites Laroque du 4 et 19 octobre 1945 n’est pas à proprement parler la Sécurité sociale. En effet, tout existe déjà : des assurances sociales depuis 1930, des caisses d’allocations familiales, un réseau mutualiste très développé, etc.
Les ordonnances dites Laroque que soutiennent essentiellement le Parti Communiste et la CGT vont beaucoup plus loin ; il s’agit de créer un régime unique de Sécurité sociale pour tous les salariés et placé entre les mains des assurés eux-mêmes : le Régime général de Sécurité sociale. Il y aurait fort à dire sur les circonstances historiques de la mise en œuvre de ce joyau social pris en application du programme du Conseil national de la résistance. Et sur la manière dont les Gaullistes sont parvenus à rayer de la mémoire collective le véritable père fondateur de la Sécurité sociale, Ambroise Croizat, premier ministre du Travail de l’après-guerre. Car le Régime général est une œuvre collective qui n’aurait pu aboutir sans l’action politique d’un ministre communiste, Ambroise Croizat, la loyauté républicaine d’un haut fonctionnaire, Pierre Laroque, et l’action résolue d’un syndicat, la CGT, qui s’empare en 18 mois des présidences des premières caisses du Régime général. Pour justifier un tel projet, la Sécurité sociale ne devait pas dépendre de l’impôt au risque de devenir dépendante des décisions politiques de l’État, voire pire devenir une simple section budgétaire des finances publiques soumise aux aléas des délibérations politiques de l’exécutif et du Parlement. La Sécurité sociale devait en conséquence être financée par des ressources propres adossées au salaire des travailleurs : c’est la cotisation sociale qui s’impose. Ce mode de financement salarial devient dès lors un mode de partage de la valeur ajoutée aux côtés des salaires (directs) et justifie que la Sécurité sociale devienne indépendante de l’État. Les représentants syndicaux et patronaux deviennent en théorie les gestionnaires politiques de cette institution sociale capitale pour la classe ouvrière. La Sécurité sociale devenait en 1945 l’institution du droit social des travailleurs de même qu’une institution démocratique qui accordait une place prépondérante aux administrateurs salariés.
Pour aller plus loin, lire :
www.ufal.org/wp-content/uploads/2020/09/10020_UFAL_LIVRET_NUMERIQUE_SECU_BAT1_complet.pdf
Vous pouvez également regarder « les jours heureux » de Gilles PERRET
Laïcidade #S01Ep01 – Les cotisations sociales (cliquer sur l’image ci-dessous)
